Klein : Tout peut changer

Prix
13,40 €

Contribution majeure à la mobilisation autour du sommet de Paris en décembre et à l'anticapitalisme.</p>

Le livre est dors et déjà véritable événement éditorial. La journaliste et militante altermondialiste canadienne y mène une enquête approfondie, détaillée, produit une analyse concrète du capitalisme réellement existant, dans son action destructrice sur la nature et les sociétés humaines… Reportage au long cours (son travail s'est étalé sur 5 années), d'une lecture facile et vivante, il s'agit d'une intervention politique d'une grande force : des centaines d'étudiants sont venus débattre avec Naomi Klein à la Sorbonne fin mars. Sur cette même ligne d'urgence sociale et d'urgence climatique, d'anti-austérité, elle était intervenue deux semaines plus tôt à Frankfurt lors de la grande manifestation devant la BCE.</p>

Archi-documenté, avec des dizaines de pages de références, question de probité, le livre ne signale pourtant aucun des grands théoriciens du capitalisme (de l'anticapitalisme plutôt), ni Marx, ni aucun autre. C'est qu'elle s'en tient, modestement pourrait-on dire - mais avec quelle énergie ! -, à montrer in situ, une classe sociale - la grande bourgeoisie, les grandes firmes - réellement mobilisée à fond pour faire valoir ses intérêts à tout moment. Même, évidemment, quand la planète chauffe. Un des grands mérites du livre est de partir d'emblée de là. </br>
Le capitalisme est un système qui a besoin d'énergie, de beaucoup, de toujours plus d'énergie. Cette énergie, dans sa quasi-totalité, c'est les fossiles, charbon, gaz, pétrole dont la combustion génère les gaz à effet de serre responsables du dérèglement climatique en cours. L'énergie fossile, c'est l'extraction qui devient sous le fouet du productivisme capitaliste, l'extractivisme forcené, thème qui revient dans plusieurs chapitres.</p>
Naomi Klein raconte de manière saisissante les discussions quasi simultanées durant les 20 dernières années autour des rapports du GIEC pour enrayer le réchauffement climatique lors des sommets mondiaux et d'autre part autour de l'OMC pour favoriser le commerce mondial.</br> Alors que les accords internationaux sur la libéralisation du commerce se mettent en place sans coup férir, les discussions sur le climat patinent, se bloquent et débouchent sur le constat accablant : depuis le sommet de Kyoto, les GES ont augmenté de 60 %! Les grands groupes capitalistes se sont mobilisés à fond dans les deux processus, pour la réussite de l'un, contre la moindre décision contraignante dans l'autre.</br> Le livre montre cette mobilisation permanente, tout comme il montre la corruption, le conflit d'intérêt généralisé, l'intégration - institutionnalisation des ONG et de l'essentiel des organisations écologistes durant les années 80 et 90.</br>
C'est là que se noue une situation nouvelle, véritablement explosive. Le réchauffement a déjà lieu. Pour le contenir à 2 °, il faudra sortir totalement des énergies carbonées d'ici à 2030, faire la transition/rupture vers les énergies renouvelables. Mais 2030, c'est demain. Il faut prendre des décisions immédiates. Des décisions radicales. Faute de quoi, ce sera le capitalisme de catastrophe, la fuite en avant avec un réchauffement de 4° à 6°. </p>
Là, Naomi Klein nous dit : « cette situation nouvelle est potentiellement révolutionnaire  car ces décisions radicales nécessaires, ni les capitalistes ni les forces politiques soumises à leurs projets ne les prendront».</br>
Comment ne pas la rejoindre là, précisément ? C'est la thèse centrale du livre. C'est toute la société qu'il faudra revoir, de fond en comble. Ce moment politique où nous sommes, doit être vu comme une opportunité à saisir. A saisir obligatoirement sous peine d'avoir à subir un capitalisme de catastrophe. « Socialisme ou barbarie » diraient certains...</br>
On peut relever ici deux chapitres particulièrement intéressants aux titres qui sont déjà des programmes : « pour une gestion publique de l'énergie » et « planifier et interdire ».</br>
L'autre idée fondamentale qui court tout au long de l'ouvrage, c'est la nécessité d'un grand mouvement populaire qui porte à la fois la question sociale avec la question de l'égalité, de la justice, et l'ensemble des questions écologiques. Là encore, nous sommes en accord profond. Les questions de la démocratie et surtout de la violence ne sont pas esquivées. Dans la troisième partie « Parce qu'il faut bien commencer quelque part », le chapitre « Blocadie » on pense bien sûr à Notre Dame des Landes, à Sivens mais nous évoque aussi irrésistiblement nos bloqueurs de raffineries et de ronds-points de 2010. Et donne ainsi à penser…</p>
Le livre fourmille de réflexions sur les aspects idéologiques, culturels et institutionnels d'un changement global.</p>
Naomi Klein se sent en sympathie profonde avec le vieux mouvement ouvrier (Wikipédia nous apprend que son grand-père, militant marxiste, avait organisé la première grève chez Disney) : nulle posture péremptoire. Le débat est possible, souhaité. </p>

Fernand BECKRICH
édition : mars 2015