Maspéro : Gerda Taro, l'ombre d'une photographe

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Tombée en 1937 sur le champ de guerre espagnol, Gerda Taro fut la compagne de Robert Capa

A l'occasion des 70 ans de la guerre d'Espagne, François Maspero lui consacre un vibrant hommage dans "L'ombre d'une photographe, Gerda Taro", qui vient de sortir aux éditions du Seuil.

François Maspero s'interroge longuement sur le destin exceptionnel de celle qui est morte la veille de ses 27 ans pour avoir voulu, une fois de plus (une fois de trop ? ) monter au front pour immortaliser le combat et la cause des républicains.

"Si votre photo n'est pas bonne..."
On connaît la phrase de Capa : "Si votre photo n'est pas bonne, c'est que vous n'étiez pas assez près". Pour n'avoir pas voulu encourir pareil reproche, Gerda Taro s'est éteinte, en juillet 1937, dans un hôpital de Madrid, après avoir été éventrée par un char.

Retour sur cette flamboyante jeune fille, née Gerta Pohorylle en 1910 à Stuttgart dans une famille de la bonne bourgeoisie juive. Enfance dorée et jeunesse heureuse, dans des collèges suisses où elle apprend l'anglais, le tennis et les bonnes manières.

Mais les périls montent en Allemagne. En 1933, peu après l'arrivée d'Hitler au pouvoir, Gerta est embarquée un soir pour avoir distribué des tracts anti-nazis, alors qu'elle s'apprêtait à aller danser. Emprisonnée, elle s'excuse auprès de ses co-détenues de sa robe de bal si peu appropriée aux circonstances. Gerta, écrit Maspero, "était la légèreté même". Elle sera libérée grâce à son passeport... polonais : en ces temps agités qui suivirent le traité de Versailles, la nationalité polonaise fut attribuée à a sa famille, originaire d'un territoire attribué à la Pologne après le démantèlement de l'empire austro-hongrois.

Libérée, la jeune fille choisit l'exil à Paris. Belle, insouciante, polyglotte et débrouillarde, elle intègre tout naturellement ces cercles d'intellectuels et d'artistes qui feront la gloire du Montparnasse des années 30. Et elle y rencontre un autre exilé, Endre Friedmann, juif hongrois qui a fui son pays et se lance dans la photographie.

L'invention de Capa
Pour mieux vendre les photos de Friedmann, le couple, malicieux, les attribue à un pseudo-photographe américain, riche et célèbre. Et c'est sous ce nom de fiction qu'Endre Friedmann deviendra célèbre : Capa. Robert Capa.

Inspiré de magazines américains, des journaux qui font la part belle à la photo commencent à voir le jour en France. C'est pour "Vu" de Lucien Vogel et "Regards", dirigé par Louis Aragon, que Friedmann et celle qui a pris, de son côté, le nom de Gerda Taro, partent pour l'Espagne républicaine.

Ils y réaliseront, côte à côte ou séparément, des centaines de photos de la République espagnole et de son armée. Et Maspero s'attarde longuement sur celle de Capa qui est restée dans la postérité: ce soldat loyaliste (photo) fauché en plein élan, d'une balle dans la tête, et qui lâche son fusil dans sa chute. Photo posée, comme l'a susurré la rumeur ? Photo réelle, réaffirme Maspero. Le cliché, dit-il, est pris en contre-plongée parce que Capa cherchait à éviter les balles.

Ce beau livre est aussi une étude de ces premiers moments forts du photo-journalisme, nés de l'invention de l'instantané. La force des images était encore intacte, et, pour la plupart des lecteurs, elles disaient la vérité. Juste une image, une image juste, comme disait Godard.

Quelle influence a pu avoir l'appareil communiste sur ce couple mythique ?. Le parti communiste, rappelle Maspero, a organisé de grandioses funérailles pour Gerda Taro. Cela suffit-il à en faire un agent de l'URSS ? Maspero souligne que Capa et Taro ont commencé à couvrir la guerre civile espagnole dans les rangs des anarchistes ou des trotskistes. Voilà des agents peu dans la ligne. Et de les acquitter dans ce procès (que lui seul dresse). Qui en doute ? Gerda Taro (morte en Espagne en 1937) et Robert Capa (qui a sauté sur une mine en Indochine en 1954) étaient "des êtres intensément libres". source : France3

140 pages
édition : mars 2006