Ngo Van : Le joueur de flûte et l'Oncle Hô

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Ngo Van nous a quittés en janvier 2005 alors qu'il travaillait à la suite d'Au pays de la cloche fêlée publié en 2000. C'est aussi en mars de cette année qu'a été publié le pendant à Viêt-nam 1920-1945 révolution et contre révolution sous la domination coloniale.
Pour ceux des lecteurs qui n'ont pas lu les deux précédents ouvrages de Van consacrés au Vietnam, nous leur signalons la critique parue dans Rouge en février 2001 et mise en ligne sur le site Culture et Révolution (Au pays de la Cloche fêlée de Ngo Van).
Signalons aussi un site très complet consacré à Ngo Van où on peut y retrouver les références de ces ouvrages et nombre de ses textes et prises de positions : http://chatquipeche.free.fr/

Bien loin des images et icônes tiers-mondistes qui ont encensé l'actuel régime vietnamien, la lecture de l'ouvrage de Van nous montre tous les rouages du système mis en place dès les premières années de son activité politique par celui qui se fit nommer Hô chi Minh alias Nguyên ô Phap (Nguyên qui déteste les Français), alias Nguyên ai Quöc (Nguyên le Patriote), des surnoms aux accents chauvins et haineux ou celui plus significatif de Vuong – caractère chinois qui signifie roi – adopté par celui qui deviendra l'Oncle Hô lors de son premier séjour en Chine en 1924.

Les principales périodes de l'histoire du Vietnam sont ainsi détaillées en commençant dès 1945 par le massacre des trotskystes dans les zones contrôlées par le PCI. Dans la zone nord du pays où Hô chi Minh parvient à y prendre le pouvoir, la répression est alors féroce contre les mineurs coupables de s'être appropriés les mines de charbon sous contrôle ouvrier ou à l'encontre des paysans qui décident de mettre en application le slogan du PCI en 1930 « la terre à ceux qui la travaillent », terres qui finiront par être rendues à leurs propriétaires fonciers. Plus tard, lors de la réforme agraire dans le Nord en 1954-56, Hô chi Minh se livrera à un bain de sang dans les campagnes en exigeant dans chaque village un quota de paysans à fusiller lors de procès manipulés. On ne peut que penser aux similitudes dans les méthodes qui furent employées en leur temps par Staline ou Mao.

Van souligne ici une caractéristique du régime où « l'infini servage des paysans – comme toujours taillables et corvéables à merci -, combiné avec l'exploitation renforcée d'un prolétariat en voie de développement, constitue le fond de l'accumulation primitive du capitalisme d'État bureaucratique »... « Le Parti-État détient le monopole de la terre dont les nouveaux maîtres disposent au détriment de ceux qui la travaillent »

Chacun pourra ainsi se reporter aux chapitres consacrés à la répression contre les intellectuels calquée sur celle de Mao en 1956 ou les purges au sommet de l'appareil d'État entre rivaux à la succession avec une série de suicides par empoisonnement ou d'accidents routiers en tous genres. Cela reste une donnée constante du régime avec les bagnes et mouroirs hérités de la période coloniale et remis en activité permanente depuis 1945.

La corruption du régime, les liens claniques et népotiques de la nomenklatura au pouvoir, apparaissent ainsi au grand jour. Van les illustre avec des exemples puisés dans l'après-entrée des troupes vietminh dans Saigon en 1975 et l'actuel régime confronté aux grèves et manifestations dans les zones franches concédées aux affairistes et capitalistes de la région...

Il y a aussi ces pages extraordinaires qui dont donné le titre à ce livre, hommage au vénéré Vo thành Minh, vieux lettré de la ville de Hué qui refuse en 1968 de répondre aux injonctions à la soldatesque du Vietminh.

Toutes aussi émouvantes sont les pages qui relatent la guerre américaine et de ces adolescentes enrôlées dans les brigades du Vietminh ; jetées en pâture et sacrifiées sur le front de la guerre et qui se retrouvent rejetées et bannies de la société parce que plus en age de se marier... ces témoignages ont été recueillis lors d'un séjour en 1997 sur place par l'auteur.

Toujours lors de son séjour, Ngô van nous fait découvrir des poèmes inédits qui ont valu à leurs auteurs d'être impitoyablement pourchassés et emprisonnés dans la belle patrie socialiste...

Au dos du Joueur de flûte et de l'Oncle Hô, figure un texte que nous reproduisons et qui résume bien le livre :

Ngô Van nous livre ici une histoire non orthodoxe du Vietnam contemporain. De l'entrée en scène de Hô chi Minh jusqu'à nos jours, l'auteur expose les vrais visages, loin de la version officielle, du criminel leader charismatique et de ses successeurs qui, avec le sang de leur peuple, édifièrent un État autoritaire où le mensonge constitue le noyau idéologique de l'héroïsme anti-impérialiste.

Lire ce minutieux travail de mémoire, c'est rendre justice au « petit peuple héroïque » vietnamien sacrifié par la Nomenklatura.
Octobre 2005
Jean Narédo

296 pages
édition : mars 2005