Nationalité et lutte de classe en Belgique 1958-1973

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La formation sociale belge Le recueil présente une analyse de la formation sociale de la Belgique, État né en 1830, dominé par une infime minorité bourgeoise et aristocratique de culture française, et qui, contrairement à la politique linguistique jacobine française, n’interdisait pas les parlers régionaux. Rien ne fut toutefois fait pour donner à la majorité de la population du nord la possibilité de s’instruire, ni en rendant possible l’apprentissage du français et moins encore en créant des écoles secondaires ou universitaires de langue flamande. La Flandre devint ainsi économiquement et culturellement la partie sous-développée et méprisée du pays. Le mouvement flamand, né vers 1840, était dirigé principalement par la petite bourgeoisie dans ses différentes composantes idéologiques. À l’origine favorable à l’existence de la Belgique en tant que nation, il redoutait une possible annexion par la France qui aurait eu des conséquences plus néfastes encore pour les Flamands. Ce n’est que plus tard, après que le mouvement socialiste eut refusé de prendre une position claire et univoque sur la question flamande, que le mouvement tombe sous l’influence du bas clergé, puis, après la Grande Guerre, sous celle des nationalistes flamands et de l’extrême droite. Mandel n’hésite pas à souligner la responsabilité du mouvement ouvrier socialiste dans cette dérive du mouvement flamand. Remarquons aussi que la naissance du mouvement ouvrier chrétien, majoritaire en Flandre et à l’origine antisocialiste, a été également favorisée par l’attitude des socialistes partageant l’anticléricalisme libéral à l’encontre du flamingantisme. Le refus du bilinguisme en Wallonie par les francophones et une partie du mouvement ouvrier wallon, qui cependant exigeaient le maintien du bilinguisme en Flandre, a finalement contribué au développement anti-belge du mouvement flamand. Invoquant la thèse du « développement inégal et combiné » Mandel démontre que, lorsqu’une oppression nationale va de pair avec un développement économique inégal, la formation d’une nation (belge dans notre cas) devient problématique. Ce développement inégal est toutefois plein de surprises. Si, par exemple, l’unification de la classe ouvrière en Wallonie, région caractérisée jusque dans les années 1870 par un vieux localisme et, malgré les luttes ouvrières, par un vide politique, posa beaucoup de problèmes aux débuts de l’essor industriel, c’est en Flandre et précisément à Gand, ville industrielle dans un désert campagnard, que naquit en 1885 le premier parti socialiste, même si plus tard ce fut la Wallonie industrielle qui détermina en grande partie la politique de la social-démocratie belge. Une autre conséquence du développement inégal fut l’extraordinaire essor du capital financier qui allait dominer, pour la première fois, un État européen : la Belgique devint un pays impérialiste, exportateur de capitaux dont les intérêts allaient de la Russie à la Chine et du Congo au Brésil. Le pouvoir de ce capital, incarné par les holdings, parmi lesquels la tristement célèbre Société Générale de Belgique, aura plus tard des résultats désastreux pour l’économie wallonne et pour la Belgique en tant que nation : elle divisera profondément les communautés flamande et wallonne suite à la grande grève de l’hiver 1960-61 à laquelle Mandel participa activement.édition : IIRE 2015