Novembre 1918 tome II, une révolution allemande : Peuple trahi

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ARTICLE TIRE DU SITE lemonde.fr Il y a des gloires funestes. L'immense succès de Berlin Alexanderplatz, paru en 1929, a fortement contribué à occulter le reste de l'oeuvre d'Alfred Döblin, pourtant considérable et qui compte même l'un des plus gros romans de la littérature européenne : Novembre 1918, une révolution allemande. Ecrite entre 1937 et 1943, cette fresque de 2 000 pages retrace les soubresauts de la brève révolution qui a secoué l'Allemagne à la fin de la première guerre. Forte de quatre tomes, cette composition unanimiste où s'entremêlent réel et fiction n'a jamais été publiée en France dans son intégralité. Quai Voltaire avait publié il y a près de vingt ans les trois premiers volumes : Bourgeois et soldats (1988), Peuple trahi (1990) et Retour du front (1991). Les éditions Agone ont repris le flambeau en confiant aux traductrices des premiers tomes, Maryvonne Litaize et Yasmin Hoffman, la traduction du dernier, inédit en France, Karl et Rosa. Suivra en automne la reprise des trois premiers volets avec un nouvel appareil critique. Ce n'est en effet pas la moindre qualité de cette édition que de compléter l'excellente traduction par plusieurs index et, pour ce volume, par une utile préface de Michel Vanoosthuyse. Döblin était en exil quand il a commencé cette tétralogie. Fuyant le nazisme, il quitte l'Allemagne en 1933 avec sa famille pour se réfugier en Suisse, puis en France. En 1936, il prend la nationalité française. La débâcle le pousse à fuir plus loin encore. En 1940, à 62 ans, il part aux Etats-Unis. Dans ses valises, il y a les lettres de prison de Rosa Luxemburg qui inspireront le dernier volet de ce roman-fleuve. Pour Döblin, il existe un lien direct entre montée du nazisme et trahison de la révolution spartakiste. Car trahison il y a eu de la part des sociaux-démocrates, qui avaient déjà voté les crédits militaires en 1914 et qui, quatre ans plus tard, ont sacrifié l'élan populaire à des fins politiciennes. On peut dater le début de cette révolution au 30 octobre 1918, lorsque des marins de Kiel refusent d'appareiller contre la flotte anglaise, et sa fin au 11 août 1919, lorsqu'est adoptée la constitution de la République de Weimar. Entre ces deux dates, c'est un formidable imbroglio d'où émergent les figures de Scheidemann, Ebert, Eichhorn, Noske, mais surtout de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Döblin n'écrit pas une hagiographie de ces deux personnages longtemps traités comme des héros, notamment par l'historiographie de la RDA. Il montre leur grandeur et leur misère au sein même du mouvement spartakiste, leurs insuffisances aussi. Prenant ses distances par rapport au parti pris littéraire de dépersonnalisation qui avait fait une part du succès de Berlin Alexanderplatz, Döblin revient à une forme de psychologie des personnages où les destins de Karl et Rosa sont tressés avec ceux de Stauffer, un écrivain raté, et Becker, un soldat revenu du front. Pierre Deshusses 485 pages édition : mars 2009